Attendus en 2020, les réseaux de cinquième génération afficheront un débit de plusieurs gigabits par seconde pour un temps de latence de l'ordre de la milliseconde. Des performances qui permettront de faire émerger de nombreux cas d'usage dans l'IoT, l'usine du futur ou l'industrie des médias.
La 5G porte mal son nom. Le réseau de cinquième
génération laisse entendre qu'il s'inscrit dans le prolongement de la 4G, qui
elle-même succédait à la 3G. En fait, la 5G créera une véritable rupture dans
le paysage des télécoms. Le nouveau standard dont les premières exploitations
commerciales sont attendues en France pour 2020 marque tout d'abord un
saut qualitatif. Le débit sera multiplié par dix, avec un minimum annoncé de
100 Mbit/s. Dans les expérimentations en cours, les opérateurs et leurs
équipementiers ont même atteint le seuil des 20 gigabits par seconde. Avec
de telles vitesses, il sera possible de télécharger un film en quelques
secondes. L'autre atout de la 5G, c'est un délai de latence possiblement
réduit à la milliseconde. Associer vitesse débridée et faible temps de latence
permettra de concrétiser les espoirs placés dans la télémédecine, la réalité
augmentée ou le jeu vidéo multijoueur sur mobile. En s'établissant sur des fréquences hautes, de 3,5 GHz
à 26 GHz, la 5G assurera, par ailleurs, une couverture optimisée des zones
urbaines denses ou, dans sa version « indoor », des centres
commerciaux. Sachant que plus on monte en fréquence et plus les antennes sont
petites, de nouvelles antennes carrées (small cells) feront leur apparition à
côté des traditionnelles antennes paraboliques. Cette densification du réseau favorisera le « beamforming »,
qui consiste à concentrer le signal dans une direction spécifique. « L'intérêt est double, estime Viktor
Arvidsson, responsable stratégie et marketing chez Ericsson. Cela permet d'éclairer la zone à couvrir, là où est le récepteur, et
de réduire les interférences radio. » La 5G permettra ainsi de « suivre »
des objets connectés sensibles comme un drone ou une voiture autonome.
« Toute la difficulté de
la 5G est de penser écosystème »Viktor Arvidsson, responsable stratégie et marketing chez Ericsson
Sur le papier, les promesses de la 5G sont alléchantes et
le discours marketing orchestré par les opérateurs va faire monter le soufflé
jusqu'au lancement commercial. Attention toutefois au risque de déception. Le
déploiement de la 5G se fera, en effet, en deux temps. « Dans une première
phase, la 5G dite "non stand alone" cohabitera avec la 4G dans laquelle nous
continuerons à investir, explique
Jean-Paul Arzel, directeur réseau de Bouygues Telecom. Elle ne fera que prolonger les usages de cette dernière tout en
apportant des capacités supplémentaires. C'est seulement avec l'avènement de la
5G stand alone à horizon 2025 que l'on pourra parler de rupture. »
« C'est seulement avec l'avènement
de la 5G stand alone à horizon 2025 que l'on pourra parler de rupture. »Jean-Paul Arzel, directeur réseau de Bouygues Telecom
À cette échéance, les opérateurs auront fait évoluer leur
cœur de réseau en s'appuyant sur des technologies de virtualisation des
fonctions réseau (NFV, Network functions
virtualization) et de réseaux programmables (SDN, Software-defined
networking). Le logiciel l'emportera sur la partie hardware. « L'infrastructure
sera banalisée, avance Michel Corriou, directeur
réseaux et sécurité chez b-com. Avec
la technique du network slicing, il
sera possible de "découper" un réseau virtuel en tranches que l'on déploiera à
la volée. » Ce network slicing permettra de garantir une qualité de service et des performances de bout en
bout pour des cas d'usage à très fortes exigences, comme un processus critique sur un site industriel ou les communications
dévolues aux forces de l'ordre et aux services d'urgence. Cette « logicielisation » du réseau, qui fait
abstraction de l'infrastructure sous-jacente, ouvre la voie, selon Michel
Corriou, à de nouveaux entrants. « Aujourd'hui,
un opérateur possède son infrastructure. Demain, un nouvel entrant n'aura pas à
investir lourdement pour devenir un opérateur virtuel. On peut imaginer un
Amazon Web Services proposer une plate-forme d'hébergement de fonctions réseau
virtualisées. » Transatel vient d'ailleurs d'annoncer un « réseau
mobile en tant que service » disponible sur AWS.
Pour Flavien Vottero, directeur d'études au cabinet Xerfi, « la 5G va clairement redistribuer
les cartes dans la filière télécom ». Au-delà des GAFA et des équipementiers,
les tower-co, les sociétés qui exploitent les points hauts sur lesquels sont
installées les antennes mobiles, pourraient proposer un parc d'antennes 5G
mutualisé aux opérateurs télécoms. « Les
industriels, et en particulier les constructeurs automobiles, pourraient
choisir d'acquérir des fréquences 5G pour réduire leur dépendance aux
opérateurs télécoms. »
« Les industriels
pourraient choisir d'acquérir des fréquences 5G pour réduire leur dépendance
aux opérateurs télécoms. »Flavien Vottero, directeur d'études au cabinet Xerfi
L'attribution des fréquences 5G qui devrait intervenir en France à partir de la mi-2019 est donc attendue avec une certaine nervosité chez les opérateurs. Leur syndicat professionnel, la Fédération Française des Télécoms (FFT), vient d'appeler le gouvernement à la modération. Les folles enchères qui ont rapporté, de l'autre côté des Alpes, 6,5 milliards d'euros au gouvernement italien sont aussi dans tous les esprits. Investissant déjà lourdement pour généraliser la 4G et
déployer la fibre optique, les opérateurs devront, au-delà de l'achat des
fréquences, mettre la main à la poche pour moderniser leur réseau pour
accueillir la 5G. L'addition serait de 500 milliards d'euros pour le seul
marché européen, selon Flavien Vottero. Intervenant à une conférence de l'EBG, Alain Weill voit
dans l'arrivée de la 5G une incitation à la consolidation du secteur. Le
directeur général d'Altice Europe observe qu'il y a 87 opérateurs télécoms
sur le Vieux Continent alors que, dans le même temps, ils vont passer de 4 à
3 aux États-Unis et de 3 à 2 en Chine. Directeur général de la FFT, Michel
Combot rappelle que le déploiement sera progressif. « Les opérateurs ne vont pas investir dix ou vingt milliards d'euros
d'un coup. La priorité économique du moment, c'est la généralisation de la 4G.
Il faut construire la montée en puissance de la 5G en capitalisant sur le
succès de la 4G. » Les opérateurs devront donc trouver le bon modèle
économique en monétisant les nouveaux usages rendus possibles par la 5G. Du
côté du grand public, il sera difficile de faire accepter une hausse des
forfaits. L'augmentation du revenu par abonné pourrait, selon Michel Combot, passer
par des offres premium basées sur des forfaits data à 1 To, au lieu de 100 Go
aujourd'hui, avec une qualité de service et un débit garantis.
Président de Nokia en France, Thierry Boisnon estime,
quant à lui, que les opérateurs pourraient mettre l'accent sur le BtoB. « Avec le network slicing, ils proposeront aux entreprises un réseau
de bout en bout avec une qualité de service dédiée. » Avec sa division
Private LTE, Nokia se met d'ailleurs en marche pour adresser des verticales comme la santé, la logistique ou l'automobile,
en bâtissant des offres dédiées.
Des cas d'usage infinis en BtoB
De fait, un grand nombre de cas d'usage se prête à la sphère
professionnelle. L'industrie des médias et du divertissement est déjà sur les
rangs. Pour Bernard Fontaine, directeur Innovations
technologiques de France Télévisions, la 5G va libérer les contenus. « La définition des écrans ne cesse d'augmenter
et passer au 8K nécessite une bande passante importante. Les technologies de
type 4G ou Wi-Fi arrivent, elles, rapidement à saturation, limitant le nombre d'utilisateurs. » À ses yeux, la 5G pourra être utilisée sur des événements
éphémères comme un concert ou une rencontre sportive réunissant une très forte
population et où il est parfois difficile d'envoyer un simple SMS. Non
seulement les organisateurs pourront garantir un débit, mais aussi proposer des
services innovants.
« La définition des
écrans ne cesse d'augmenter et passer au 8K nécessite une bande passante
importante. »Bernard Fontaine, directeur Innovations technologiques de
France Télévisions
La startup Augmented Acoustics propose ainsi, avec son application
Supralive, de prendre la main sur la console de mixage. En concert, le
spectateur pourra avoir un son personnalisé en augmentant la voix, la basse ou
la guitare. Dans un stade de football, un supporter accédera aux propos de l'arbitre
ou d'un joueur en particulier. Les expérimentations menées actuellement font apparaître
d'autres cas d'usage. Parmi les ateliers présentés par Bouygues Telecom en
juillet dernier à Bordeaux, un technicien de maintenance équipé d'un casque de
réalité augmentée HoloLens recevait les conseils d'un expert distant d'une
dizaine de kilomètres. Lors d'un événement dédié à la 5G qui s'est tenu
mi-novembre sur son campus de Paris-Saclay, Nokia a évoqué d'autres pistes comme
la traçabilité des containers entre la Chine et l'Europe, ou l'usine du futur
qui voit ses robots se déplacer tout seuls pour changer de ligne de production.
Le projet Move in Saclay vise, lui, à résoudre les problèmes de mobilité sur le
plateau de Saclay en analysant les trafics entrants et sortants via des
capteurs et des caméras connectées. Toujours dans le domaine des transports, Viktor Arvidsson
d'Ericsson évoque le concept de platooning. « Organisés en convoi, des camions autonomes se coordonnent, avançant à
la même vitesse, freinant et accélérant en même temps. Ce tunnel d'air réduit
la consommation de carburant de 20 % et les chauffeurs peuvent en profiter
pour dormir. Ce qui suppose que les constructeurs de poids lourds et les
sociétés de transport se mettent d'accord sur les standards de communication. Toute
la difficulté de la 5G est de penser écosystème. Chaque industriel a un besoin
qui peut être différent d'un autre. » Toutes les belles promesses de la 5G ne seront tenues que
si la sécurité est au rendez-vous. La puissance qu'annonce la 5G pourrait être
détournée par des pirates pour mener des attaques massives en déni de service
en créant un botnet d'objets connectés zombies de type caméras IP de
surveillance ou capteurs industriels « hackés ». Enfin, l'utilisation
des fréquences hautes pourrait raviver la question de la nocivité des ondes
électromagnétiques.
Les trois principaux cas d'usage de la 5G
Répondre à l’explosion des objets connectés
Répondre à l’explosion des objets connectés
Avec l’essor de l’IoT, le nombre d’objets communicants est appelé à se démultiplier dans les prochaines années. La 5G apportera une densification du réseau mais aussi une meilleure couverture indoor pour remonter les données des capteurs situés dans les bâtiments ou l’usine du futur.
Avec l’essor de l’IoT, le nombre d’objets communicants est appelé à se démultiplier dans les prochaines années. La 5G apportera une densification du réseau mais aussi une meilleure couverture indoor pour remonter les données des capteurs situés dans les bâtiments ou l’usine du futur.
Embarquer dans la voiture autonome
Embarquer dans la voiture autonome
Le véhicule autonome est le cas d’usage le plus complexe qu’aura à résoudre la 5G. Tous ses atouts seront mis à contribution : débit et qualité de service garantis, très faible temps de latence. Il s’agira aussi de constituer un écosystème impliquant à la fois les constructeurs automobiles, les opérateurs télécoms, les pouvoirs publics ou les sociétés d’autoroute.
Le véhicule autonome est le cas d’usage le plus complexe qu’aura à résoudre la 5G. Tous ses atouts seront mis à contribution : débit et qualité de service garantis, très faible temps de latence. Il s’agira aussi de constituer un écosystème impliquant à la fois les constructeurs automobiles, les opérateurs télécoms, les pouvoirs publics ou les sociétés d’autoroute.
Débrider la consommation des contenus médias
Débrider la consommation des contenus médias
Télécharger un film en quelques secondes, regarder une série en streaming dans le train, suivre un événement sportif en 8K… la nette augmentation du débit ouvre la voie à la consommation de contenus multimédias en situation de mobilité. Le faible temps de latence sera, lui, propice aux jeux vidéo en ligne.
Télécharger un film en quelques secondes, regarder une série en streaming dans le train, suivre un événement sportif en 8K… la nette augmentation du débit ouvre la voie à la consommation de contenus multimédias en situation de mobilité. Le faible temps de latence sera, lui, propice aux jeux vidéo en ligne.
« La 5G est taillée pour l'Internet des objets »
Étienne Costes
Associé, EY-Parthenon
En assurant une densification du réseau, la 5G est taillée pour l'Internet des objets. La connexion d'objets communicants exige peu de bande passante mais une qualité de réseau garantie.Le champ des
possibles est vaste. Parmi les cas d'usage les plus évidents, on pense bien sûr
à la voiture connectée puis autonome. Une grande partie de son intelligence
sera embarquée dans l'habitacle quand une autre partie sera déportée dans le
cloud pour bénéficier de sa puissance de calcul. Les réseaux mobiles de la prochaine génération
proposeront non seulement une augmentation des débits et une réduction du temps
de latence, mais ils se montreront très pertinents à suivre des objets en
mouvement. Dans la smart city, la 5G favorisera de nouvelles mobilités. Les
drones sont également concernés. Dans l'industrie, la 5G optimisera les processus en
alimentant en continu l'écosystème en données. Il s'agit aussi, dans le cadre
de la maintenance préventive, d'anticiper les pannes. Les acteurs de l'énergie
disposent également de plus en plus de points de mesure, des sondes pour
superviser leurs réseaux aux thermostats et compteurs intelligents installés
dans les foyers. Les professionnels de la logistique ou de l'agroalimentaire
utiliseront la 5G pour tracer le cycle de vie d'un produit, de sa production à
sa consommation. Elle remplacera avantageusement les puces RFID qui nécessitent
de passer devant un lecteur pour s'activer. En améliorant la couverture « indoor »,
la 5G pénétrera là où les réseaux cellulaires actuels s'arrêtent. Elle
assurera, par exemple, la traçabilité des bagages triés dans le sous-sol d'un
aéroport. La 5G sera dans un premier temps complémentaire des
réseaux bas débit dédiés à l'IoT, de type Sigfox ou LoRa, qui, proposent une
forte propagation du signal pour une faible consommation et couvrent des pays
entiers. De façon générale, il faudra réunir trois éléments pour que les cas d'usage
décollent. Comme toujours, cela commence par les réseaux. Une densification des
points hauts sera nécessaire pour être au plus proche des objets communicants.
On estime que la voiture autonome dans les villes impliquera une multiplication
par dix des points de connexion. Il faut ensuite que les équipementiers produisent
des terminaux de petite taille, bon marché et à très forte autonomie. Enfin,
les applications se développeront pour exploiter ces données. À la différence
de la 4G, la 5G ne sera plus un sujet restreint au monde des télécoms mais
concernera tous les secteurs d'activité.
« Les opérateurs garderont-ils la main sur leur réseau ? »
Éric Verron
Avocat associé EY
L'avènement de la 5G obligera les opérateurs télécoms à investir significativement, alors que la généralisation de la 4G et le déploiement de la fibre mettent déjà largement à contribution leurs capacités de financement. Au-delà de l'acquisition
de fréquences, ils devront faire évoluer leurs infrastructures réseau. De
nouveaux modes de financement ou de structuration juridique pourraient être
trouvés afin de supporter cet effort. À
ce titre, il est intéressant de noter qu'un acteur majeur du marché français
est en passe de faire intervenir des partenaires financiers pour son réseau de
fibre optique. Cet appel à des acteurs financiers pourrait se développer. De
même, des opérateurs pourraient décider de mutualiser leurs investissements. C'est
un vrai changement de paradigme. Jusqu'à récemment, les opérateurs étaient
propriétaires de toute leur infrastructure, jusqu'au moindre pylône. En ouvrant
leur capital, garderont-ils la main sur leur réseau ? Du point de vue
juridique et fiscal, comment pourront-ils structurer ces efforts d'investissement ?
Quelle sera la position du régulateur ? Un
autre problème qui se pose aux opérateurs, c'est l'hétérogénéité du marché
européen. Si le Vieux Continent dispose de la taille critique, pas moins de 87 opérateurs
télécoms y évoluent au sein de 27 législations différentes. Pour faire
advenir un marché unique et faciliter l'essor de champions européens, un effort
de standardisation est indispensable. Les Européens ne doivent pas se mettre
des bâtons dans les roues. Un téléphone allemand dans une voiture française
doit pouvoir envoyer des données à une maison connectée basée en Italie. Présenté
en septembre 2016, le plan d'action de la Commission européenne pour la 5G va
dans le bon sens. Il prévoit notamment un calendrier européen commun pour un
lancement commercial coordonné des services de 5G en 2020 et la promotion
de normes mondiales 5G communes. Enfin,
se pose la question de la fiscalité, alors que les négociations autour de la « digital
services tax » battent leur plein. Si cette taxe visait au départ la
possibilité d'inclure l'échange des données personnelles, le compromis franco-allemand
intervenu au début du mois de décembre l'a exclu à ce stade. La 5G et son
volume de données pourraient donc peut-être décoller sans frottement fiscal
spécifique, à tout le moins au départ...
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